Alain Lambilliotte, oeuvres récentes.
 
Etrangement ambigües, frêles et fortes, sobres et sophistiquées, les œuvres récentes d'Alain Lambilliotte sont l'aboutissement d'un travail conduit depuis longtemps tendant obstinément à percer le secret de la peinture et à révéler l'étendue de son pouvoir. Il s'agit là d'une quête quotidienne émanant d'un artiste que la peinture fascine et qui va à la rencontre d'un moment unique et extrême où, dans un total dépouillement, éclate sa souveraine magie. 
La démarche est complexe, minutieuse, exigeante et quasiment obsessionnelle.
De fins segments de bois peints serpentent sur le mur, profilant d'indéfinissables compositions semblant vouloir tenir toute certitude à distance. Les lignes droites ondulent, les triangles s'ouvrent pour  en former d'autres, tête-bêche et sens dessus-dessous tandis que leurs bases se prolongent vers d'invisibles points. Ainsi s'instaure un jeu subtil  entre l'ordre et le désordre donnant à la rigueur sousjacente de la composition l'apparence de la fantaisie.
Cette perception un peu flottante de la réalité s'accroît quand la lumière, balayant les couleurs fluorescentes des tranches peintes s'en empare et projette sur le mur de surprenants halos acidulés qui animent l'ensemble d'une vie secrète et mystérieuse. S'établit ainsi une troublante relation entre le visible et l'invisible,  le réel et l'irréel, la permanence ou l'évanescence et le spectateur, à travers ce champ de tous les possibles, élabore selon sa sensibilité une relation personnelle avec l'oeuvre.
Au moindre de ses déplacements son appréhension de l'oeuvre se modifie, et sa contemplation s'exacerbe lorsque ce qui de face lui paraissait uniformément blanc se métamorphose en un rouge éclatant irradiant tout le mur de sa luminescence s'il contourne l'oeuvre. Le cinétisme chromatique de la composition  rayonne dans cette confrontation physique et c'est sans doute dans cette particularité de l'oeuvre d'Alain Lambilliotte que s'exprime le mieux sa force et son étonnant pouvoir de séduction. 
Poursuivant ses travaux sur les "fausses-certitudes",  l'artiste introduit dans ses derniers compositions des surfaces plus blanches qui se détachent sur le mur. Cette présence inhabituelle dans le découpage fragmentaire de l'espace intrigue mais, une fois appréhendée, elle atteste avec une confondante discrétion le retour de l'artiste à la peinture sur toile. Car, Alain Lambilliotte fort des réponses qu'il s'est données  durant toutes ces années sur le sens profond de la peinture peut désormais, libre de toute contrainte, s'adonner simplement au pur plaisir de peindre.

Janvier 2014

Danielle Molinari
Conservatrice générale du patrimoine

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