Alain Lambilliotte

Minces ondulations tendues vers le ciel qui semblent frémir, portées par une risée. Provocation du rose acidulé sur les tranches, sautillant. Pour un peu, on se retournerait pour vérifier que rien n'a bougé. Regardons-la, elle nous regarde aussi.

Mais de quoi s'agit-il ? Voile d'un bateau, danseuse flamenca, totem ? Sans doute, en cherchant bien. Des objets, des formes remplissent la pièce de leur présence et d'une drôle d'obstination à être là.

L'entêtement de celui qui les a façonnés est entré dans la pièce, lui qui occupe ses jours à inventer inlassablement ces objets pour dire sa présence, sa fragilité, la mort, son désir inépuisable d'imposer aux matériaux sa trace et ses formes. Une façon de toucher du doigt notre vie à tous qu'une ou deux activités, une ou deux obsessions occupent jusqu'à sa fin dont on sait bien, sans forcément en perdre le sommeil, qu'elle se rapproche chaque jour. Et l'impossibilité à laquelle il nous contraint de nommer ces objets, de nous raconter une histoire, d'inventer une autobiographie, nous laisse face à cette obstination.

Simplification extrême du propos qui permet une rencontre d'autant plus intime qu'elle se passe de paroles. Impossibles à nommer, difficiles en tout cas à intégrer dans une interprétation, ces objets refusent le récit, ils sont pure présence, simples témoignages de l'entêtement d'un artiste. Ils nous incitent à faire taire les mots en nous le temps de cette rencontre ; et à accepter de les laisser nous émouvoir sans autre argument que ce plaisir qu'on éprouve à les regarder et à les savoir près de soi.

2014

Julie Lenfle

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